Écrire le récit de sa vie : oui, mais quel type de texte choisir ?

Écrire le récit de votre vie, vous y pensez régulièrement mais vous ne savez pas comment vous y prendre.

— Tu vas vraiment faire ça ? « Évoquer tes souvenirs d’enfance »… Comme ces mots te gênent, tu ne les aimes pas ; mais reconnais que ce sont les seuls mots qui conviennent. Tu veux « évoquer tes souvenirs »… il n’y a pas à tortiller, c’est bien ça.

Nathalie Sarraute, Enfance

Commençons par la première question à se poser : entre l’autobiographie, l’autofiction et le roman autobiographique, il va falloir choisir le genre où votre plume brillera le mieux (et où l’ego survivra). Voici quelques précisions pour vous y retrouver et choisir en connaissance de cause le genre qui vous convient : du plus proche du réel au plus fictif !

L’autobiographie

Réel : ++ / Fictif :

L’autobiographie, c’est du brut, du vrai. Vous, votre histoire, sans retouches (ou presque). Direct et transparent – idéal si vous voulez que vos lecteurs vous découvrent de l’intérieur ! Selon le chercheur Philippe Lejeune, spécialiste du sujet, l’autobiographie se caractérise par l’identité du narrateur, de l’auteur et du personnage principal.

C’est un peu comme offrir votre journal intime sur un plateau… mais en plus peaufiné. Vous pourrez y rassembler tous les détails qui vous passionnent, et dire enfin ce que vous avez sur le cœur : votre vie telle qu’elle est.

Mais attention ! Le public pourrait trouver le rythme un peu irrégulier, les péripéties répétitives, ou les moments clefs mal amenés. Car la vraie vie n’a pas toujours la verve d’un roman et n’est pas bonne scénariste. Il faut donc veiller tout particulièrement à la qualité de la rédaction et au dynamisme de la structure pour maintenir un intérêt quand la vie ne s’en charge pas.

Exemple : Enfance, de Nathalie Sarraute

L’autofiction, peut-être ?

Réel : + / Fictif : +

Le chercheur Serge Doubrovsky a inventé le mot (mais pas la chose !).

L’autofiction, c’est votre ticket vers la liberté.

Vous partez de vous-même, de votre vécu, mais vous ajoutez quelques petites touches d’imaginaire pour relever l’ensemble. Et hop, voilà une version de vous qui dépasse les bornes du seul réel. C’est le lieu de la subjectivité, de la quête d’identité mais aussi de l’expérimentation. Vous pouvez ajouter des détails pour captiver vos lecteurs ! Vous gardez l’esprit de votre vie telle que vous la ressentez en en changeant la lettre.

Ce que vous avez à dire, c’est vous qui le racontez, à votre manière, voilà tout !

Ce genre est parfait pour jouer avec les frontières : pas tout à fait autobiographique, pas tout à fait inventé… Juste ce qu’il faut pour donner du relief et intriguer un public plus large sans trop vous confiner au réel.

Vous pouvez ainsi dire ce que vous avez vraiment vécu sous couvert de fiction : de quoi alléger la pression de la publication. Car il n’est pas toujours simple de se livrer, de témoigner, de dire la vérité.

Exemple : Les petits, Christine Angot.

Le roman autobiographique

Réel : + / Fictif : ++

Si vous préférez prendre plus de recul, essayez plutôt le roman autobiographique : un terrain narratif où vous pouvez vraiment vous laisser aller. Ici, vous inventez, vous transformez, et vous créez. Votre histoire, tout en étant inspirée de votre vie, devient un récit à part entière avec de vrais personnages romanesques et un cadre qui fait rêver (ou pleurer, ou rire, bref, l’effet que vous souhaitez). C’est le moment où votre vie devient une fresque universelle. Idéal pour le public qui adore lire une histoire captivante et profonde, mais qui n’a pas besoin de savoir où se cachent les faits réels. Le personnage est séparé de l’auteur ou du narrateur, ou des deux (parfois de peu).

Concrètement, vous allez par exemple intervertir des faits pour leur donner tout leur dynamisme et leur couleur, vous allez rassembler des événements répétitifs en un seul pour lui conférer plus de force. Votre personnage peut vivre dans un autre pays, avec d’autres personnes. L’intrigue, le thème, les personnages, l’univers et la structure se travaillent comme pour un roman. Cette forme demande donc plus de préparation et plus de temps.

Exemple : L’amant, Marguerite Duras.

Conclusion : Entre mémoire et imagination, le bon choix pour votre récit

Tout dépend donc de ce que vous voulez faire passer : un témoignage fidèle, une expérience de vie magnifiée, ou une épopée personnelle qui fera vibrer les lecteurs. Choisir le genre, c’est comme choisir votre scène : une salle intime pour des proches, ou une scène gigantesque pour captiver un public du monde entier.

(Nous parlerons d’ailleurs de vos objectifs et de votre public dans de prochains articles !)

Alors, qu’avez-vous choisi ? Le réel ou la fiction ? Les deux ?

Si vous avez des questions, si vous cherchez un accompagnement dans votre rédaction ou une plume pour écrire votre roman pour vous, il vous suffit de m’écrire à claire [at] memorialiste.fr

À bientôt !

Qu’est-ce que l’autopathographie ?

Dans un article précédent, je vous parlais de l’un des genres dans lesquels je me suis spécialisée, l’autopathographie. Mais que signifie exactement ce mot ?

C’est le « récit de l’expérience de la maladie par un patient », comme l’a défini le critique littéraire et chercheur universitaire Alexandre Gefen lors d’un séminaire pluridisciplinaire consacré à l’art de guérir.

Pour aller plus loin dans la compréhension de ce genre, penchons-nous sur son étymologie. Il se construit sur le même modèle que le mot bien connu « autobiographie ». Formé à partir de racines grecques, il se compose des termes « auto », soi-même, « bio », la vie, et « graphie » écrire. L’autobiographie consiste en effet à rédiger soi-même sa vie. Le mot autopathographie remplace le mot « bio » par « patho », pour « pathos » qui se rapporte au sentiment et en particulier à la maladie. L’autopathographie consiste donc à écrire sa propre maladie et peut être considérée comme une spécialisation de l’autobiographie centrée sur l’expérience de la souffrance et de la maladie.

On pourrait croire ce genre nouveau, puisque le mot l’est. En réalité, la pratique est ancienne. Comme monsieur Jourdain faisait de la prose sans le savoir dans Le bourgeois gentilhomme de Molière, de nombreux auteurs ont écrit des autopathographies sans que le terme soit utilisé pour désigner leurs écrits.

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