Focus sur le monologue intérieur :

« Comment fait-on pour écrire ce que pense un personnage ? »

Et voilà ! Planté devant mon clavier, je suis encore coincé sur mon personnage de trentenaire fauché qui se demande comment il va gérer son nouveau rôle de père. Soit il pense comme un robot et enfile les poncifs, soit ça part dans tous les sens. Je devrais peut-être abandonner et simplement écrire  » Thomas regardait son fils dormir en se rongeant les ongles. Il se sentait complètement perdu. »

Cette situation vous est familière ? À moi aussi ! C’est une question sur laquelle je travaille souvent avec les personnes que j’accompagne dans leur écriture.

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Se poser des questions est excellent pour l’écriture, et le monologue intérieur est une technique littéraire puissante pour explorer la psychologie d’un personnage. Elle est aussi un peu délicate.

On la retrouve chez nos grands maîtres : Marcel Proust (À la recherche du temps perdu), le grand maître, ou encore Nathalie Sarraute (Pour un oui pour un non), la grande maîtresse. Le monologue intérieur permet de plonger le lecteur directement dans le flux de conscience d’un personnage et ça chahute la lettre autant que l’esprit.

Voici quelques questions essentielles à se poser pour aborder le monologue intérieur. Ce ne sont que des suggestions destinées à vous faire réfléchir et tester une méthode qui n’est peut-être pas la vôtre : chaque auteur développe la sienne. Et elle évolue au fil de ses écrits. Voici les éléments auxquels je fais actuellement attention quand je m’apprête à en écrire un.

Une démarche étape par étape

1. Avant tout : lire nos maîtres

Avant même de vous lancer, imprégnez-vous des techniques utilisées par les grands auteurs. Lisez VOS maîtres.

Marcel Proust vous endort mais vous vibrez en lisant Guillaume Musso ? Prenez ceux qui vous inspirent. L’important est d’éprouver du plaisir à les lire et d’avoir envie de les décortiquer pour faire comme eux. Observez comment ils passent du monde extérieur aux pensées, comment ils structurent le flux mental, quels indicateurs stylistiques ils utilisent. Tout ce qui vous saute aux yeux est bon à prendre !

2. Identifier le déclencheur

Qu’est-ce qui provoque ce monologue intérieur ? Une rencontre, un souvenir, une sensation physique, un objet aperçu ? Par exemple :

  • Une odeur de lilas qui rappelle l’enfance
  • Une lettre reçue d’un ancien amant
  • Un commentaire anodin mais blessant
  • Une décision urgente à prendre

Ce déclencheur justifie l’irruption des pensées et leur donne un point de départ mais aussi déjà une direction.

3. Préciser le locuteur

Qui pense ? Si vous avez plusieurs personnages dans le passage concerné, il faut que le lecteur sache qui pense quoi.

Cette question paraît simple, mais elle est fondamentale. Le monologue doit refléter :

  • Le vocabulaire propre à votre personnage
  • Son niveau de langue et d’éducation
  • Ses références culturelles mais surtout personnelles (ce qu ile touche lui et comment ça le touche)
  • Ses obsessions et préoccupations habituelles
  • Sa façon unique de structurer sa pensée

4. Ancrer le monologue dans un décor concret

Si vous voulez garder l’attention de votre lecteur, ne laissez pas les pensées flotter dans le vide. Même les pensées les plus abstraites s’inscrivent dans un contexte physique qui permet au lecteur de se figurer une scène. Votre personnage :

  • Est-il en mouvement ou immobile ?
  • Dans quel environnement ?
  • Quelle heure est-il ? Quelle saison ?
  • Y a-t-il d’autres personnes présentes ?
  • Quelles sensations physiques ressent-il (faim, fatigue, douleur) ?
  • etc.

Ces éléments peuvent interrompre ou influencer le cours des pensées, créant un effet de réalisme.

5. Définir l’objectif du monologue

Un bon monologue intérieur n’est pas un vagabondage mental sans direction (même s’il en a souvent l’air, c’est un trompe-l’oeil de l’auteur ; mais là, il s’agit du niveau II, à travailler quand on maîtrise déjà les bases). Il partir d’un point A (une question, un problème, une émotion initiale) pour arriver à un point B (une conclusion, une décision, une révélation, un apaisement).

Par exemple :

  • De la colère à la résignation (ou à une colère encor eplus grande et une explosion)
  • Du doute à la certitude
  • De l’incompréhension à la prise de conscience
  • Du souvenir nostalgique à la résolution d’agir

6. Planifier les étapes physiques et psychologiques

Établissez deux trajectoires parallèles :

Étapes physiques :

  • Les gestes, mouvements ou actions qui rythment le monologue
  • Les interruptions extérieures (bruits, rencontres)
  • Les changements dans l’environnement (lumière, température)

Étapes psychologiques :

  • L’évolution émotionnelle
  • Les arguments et contre-arguments
  • Les souvenirs qui surgissent
  • Les associations d’idées
  • Les contradictions internes

7. Apparier ces deux dimensions

L’art du monologue intérieur réside souvent dans la façon dont le physique et le mental se répondent et se soutiennent. Le physique rend plus perceptible la pensée pour le lecteur.

Une pensée peut être interrompue par un bruit soudain. Une sensation physique peut déclencher un souvenir. Un geste banal peut symboliser une décision profonde.

8. C’est le moment d’écrire !

Quand on a bien préparé sa scène, on peut tranquillement se laisser porter par le flux (tout en gardant à l’esprit la structure).

Les techniques stylistiques classiques viennent alors en soutien plus facilement puisqu’on sait où l’on va :

  • Phrases de longueurs variées (courtes pour les pensées abruptes, longues pour les divagations)
  • Ponctuation expressive (points de suspension, tirets)
  • Ruptures syntaxiques pour mimétiser le caractère spontané de la pensée
  • Répétitions et leitmotivs
  • Questions que le personnage se pose à lui-même
  • Italiques pour marquer certaines pensées plus intenses

9. Vérifier la cohérence du flux mental

Vous croyez que c’est fini ? Non ! Un bon texte se relit, se modifie, et se bonifie !

Mais on relit avec des questions à l’esprit, enfin une après l’autre pour ne pas tout retravailler en même temps. Ça fait beaucoup de relectures ? Oui, mais nous voulons tous aboutir au meilleur texte, non ? Et en fait, chacune est assez brève.

En voici quelques-unes, mais à vous d’inventer celles qui vous paraissent les plus adaptées à votre texte :

  • Le fil de la pensée est-il logique malgré ses détours ?
  • Les associations d’idées sont-elles compréhensibles ?
  • Le ton et le vocabulaire restent-ils fidèles au personnage ?
  • Le monologue révèle-t-il quelque chose d’important sur le personnage ou l’intrigue ?
  • La longueur est-elle appropriée (ni trop court pour être superficiel, ni trop long pour être ennuyeux) ?

10. Faire relire par un regard extérieur

Un lecteur extérieur pourra vous dire si :

  • Le monologue est clair ou confus
  • L’évolution psychologique est perceptible
  • Le personnage gagne en profondeur
  • L’intérêt est maintenu tout au long du passage

À qui poser la question ?

À une personne qui aime lire et qui sait dire pourquoi elle aime ou pas. Celle qui vous dit « j’ai adoré » (ou « j’ai détesté ») ne vous apportera rien. À vous de l’interroger plus avant : qu’est-ce que tu as aimé ? Pourquoi ? Quel moment tu as préféré ? Pourquoi ? Quand as-tu décroché ? etc.

11. Retravailler le texte

En fonction des retours reçus et de votre propre analyse, n’hésitez pas à :

  • Raccourcir les passages redondants
  • Clarifier certaines associations d’idées
  • Ajouter des ancrages dans le réel
  • Accentuer la progression émotionnelle

Entre un bon texte et un texte très bon, il y a seulement quelques réécritures bien ciblées. Ce serait dommage de ne pas donner toutes ses chances à votre écriture quand c’est finalement assez simple !

Bonne écriture !

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