Lecture / L’homme-semence : des femmes et un pacte

Un village de femmes, un homme et un pacte secret.

Ce récit graphique invraisemblable est pourtant biographique et n’a rien de licencieux. La vérité, c’est que la réalité des hommes dépasse la fiction des auteurs. Voilà qui ne surprendra aucun biographe…

L’homme-semence, côté face.

 

Un récit à la genèse mystérieuse

Comment est né un tel livre?  Un jour de 2006, sur un marché où un éditeur présente ses publications, une femme vient lui présenter un petit livre étrange qui attire tout de suite son attention. C’est un texte écrit par Violette Ailhaud qui raconte comment des femmes ont survécu à la mort de tous les hommes de leur village après un soulèvement républicain et sa répression suite au coup d’état de Napoléon III en 1851.

Que fait-on dans une petite vallée des Alpes quand il ne reste plus que des femmes en âge de procréer et pas un homme à l’horizon ? C’est ce que raconte ce texte incroyable qui a traversé les décennies pour ne ressurgir qu’en 2006. Pourquoi si tard ? Parce qu’il révèle un secret pire qu’un secret de famille : celui d’un village entier.

Le testament d’une femme

Lorsqu’elle écrit ce texte, Violette Ailhaud a 84 ans. Elle sent sa fin proche et elle veut transmettre ce secret. Mais pas tout de suite, un jour lointain, quand cette révélation ne pourra plus nuire à personne, en 1952 par exemple. C’est ce qu’elle demande dans sa succession : n’ouvrez pas l’enveloppe avant cette date ! Et elle ajoute que seule une femme entre 15 et 30 ans pourra lire ce qu’elle renferme.

Comment dessiner ce qui ne se voit pas

Laëtitia Rouxel, scénariste et dessinatrice dont le trait allie la délicatesse à la puissance, a lu et relu ce récit incroyable pour l’adapter et en faire un récit graphique à la fois narratif et poétique. Chaque période de ces années étranges a son caractère  : la cohue de la lutte et de la révolte aux couleurs sombres mais variées laisse la place à de grande pages presque blanches puis à des cases sépia qui racontent un quotidien rude en cette fin du XIXe siècle. Sur ce terreau cyclique, où seules désormais s’activent les femmes, fleurissent ici et là des rêveries poétiques et sensuelles tracées en blanc sur brun. Elles racontent le manque, la peur, le désir, l’action, la volupté et la beauté qui conduisent ces villageoises à des actes surprenants, presque mystiques et à un pacte inattendu.

L’homme-semence, page 73.

Où la morale ne porte pas

Quel plaisir de se plonger dans ce monde à part où la morale n’a plus cours, au creux de cette vallée qui a décidé de prendre son destin en main sans se préoccuper des règles ni des lois des hommes. Et se glisse au cœur de cette aventure inattendue une histoire d’amour libre et vraie, avec un début et une fin sans entraves.

On reste stupéfait devant tant la facilité qu’ont ces femmes à s’adapter à leur situation troublante et il flotte comme un air de chamanisme sur ce village qui finalement n’a fait que renouer avec la fonction primitive qui anime toute vie : sa perpétuation.

Raconter une histoire à deux faces

L’homme-semence, côté pile.

Un récit graphique qui ne se laisse pas percer à la première lecture et qui demande à être apprivoisé pour révéler les forces et les pulsions profondes qui l’animent sous le soleil de la montagne et des travaux des champs.

Pour aider le lecteur à s’y retrouver, le livre comporte deux côtés : l’une est l’adaptation du récit de Violette Ailhaud et l’autre raconte comment cette histoire est venue au monde et a été reçue. Et pourquoi une partie du secret n’a toujorus pas été percée…

Publié par les éditions de l’oeuf  et les éditions parole,  écrit et dessiné par Laëtitia Rouxel et Mandragore, L’homme-semence  vous fait découvrir une expérience étrange à vivre et à offrir !

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